Le pugilat est actuellement dans la tourmente, et ce sont les boxeurs et boxeuses qui en sont les principales victimes. Nous avons rencontré Lorna Weaver qui après 5 ans de bons et loyaux service au sein de l’équipe de France, s’est vue officiellement attribuée le 5 octobre dernier, le statut « d’handicapée ». D’une simple tendinite, la blessure s’est aggravée au fil des stages et compétitions fédérales. Et après avoir longtemps plaisanté sur le sujet avec ses coéquipières d’équipe de France, Lorna voit cette vieille hantise, devenir une réalité. Abandonnée par la Fédération Française de Boxe, Lorna raconte son calvaire…
- « Lorna, c’est le bout en train de l’équipe de France, elle a amené beaucoup de chaleur et de solidarité dans l’équipe, nous avons vécu les meilleures années lorsqu’elle était là» Sarah Ourahmoune.
- « C’est une fille d’une extrême générosité, qui a beaucoup apporté à l’équipe de France, c’était un pilier. Mais on ne l’a pas respecté » Lucie Bertaud.
Un père cascadeur, et une mère danseuse professionnelle : la passion coule forcément dans les veines de Lorna Weaver. A tel point, qu’elle choisit de rester en France à l’âge de 22 ans, pour vivre sa passion à elle : la boxe. La boxeuse coupe alors, le cordon ombilical avec ses parents, qui retournent sur leur terre d’origine : l’Angleterre. S’en suit une carrière bien garnie : plus de 200 combats à son actif (toutes boxes confondues), et 5 années au sein de l’équipe de France. La boxe, elle s’y adonne totalement, et même au travail, où elle collabore pendant plusieurs années avec le Comité Ile-de-France, pour finalement être employée à la Tour Essor (FFB). Sur le papier, son ascension est un sans-faute. Mais en coulisse, c’est un peu moins amusant.
Lorna Weaver, intègre officiellement l’équipe de France en 2005. A l’époque, la sociétaire de Clichy plaisante sur les blessures récurrentes des boxeuses : « Nous avions toutes des petits soucis de santé, liés à la boxe. Alors on s’imaginait que l’on se retrouverait dans 10 ans toutes handicapées : l’une en fauteuil, l’autre en béquille, la suivante avec un plâtre sur le visage. Et finalement, on n’en est pas si loin aujourd’hui », constate la boxeuse. Ses premiers symptômes aux épaules apparaissent en 2006, soit un an après son intégration en équipe de France, puis tout se dégrade : « ça tenait grâce à la kinésithérapie, mais à partir de la fin 2008 ça s’est aggravé. A la fin de chaque entraînement, j’avais mal aux épaules, comme si on me mettait des coups de couteaux. Après les combats j’avais l’impression d’avoir fait 15 rounds de sac en hauteur, mes bras étaient tétanisés. »
Lorna choisit cependant de continuer à vivre sa passion, mais le prix est fort… « La fédération était au courant depuis le début. Seul Frankie Lesage s’est inquiété de mes épaules. Mais les années qui ont suivi, les entraîneurs étaient plutôt indifférents, ils ne me prenaient pas au sérieux. Je devais être présente pour les stages, peu importe mon état de santé, sinon je risquais ma place. J’ai d’ailleurs entendu Monsieur Consentino le dire au cours d’une conversation. Je l’ai vécu comme un chantage affectif. J’ai donc persévéré au détriment de ma santé. Mais c’était une erreur, quand je vois la situation dans laquelle je suis aujourd’hui »
Alors malgré ses ambitions de titre mondial, l’humoriste de l’équipe prend une décision grave : interrompre définitivement sa carrière, alors qu’elle est en pleine ascension.« J’ai choisi d’arrêter la boxe en 2010, pour plusieurs raisons. L’état de mes épaules s’est beaucoup dégradé, et l’ambiance qui régnait au sein de l’équipe de France, entre les entraîneurs et les boxeuses, était exécrable. On avait l’impression que c’était une punition pour Aldo Consentino d’être avec les filles. Notre équipe qui était très soudée les années précédentes a fini par être divisée. Il y a eu une rupture de confiance à ce moment là. »
La boxeuse l’ignore à ce moment là, mais son calvaire ne fait que commencer. « Je me suis faite opérer, je pensais que ça ne durerait pas plus de 6 mois. Mais finalement, la douleur s’est répercutée sur l’autre épaule. J’ai donc du me faire opérer d’urgence sur l’autre épaule. Mais il y a eu des complications, et depuis je ne cesse de rencontrer des docteurs, chirurgiens, kinésithérapeutes. Je ne pouvais plus m’attacher les cheveux ou lever les bras pour étendre le linge. En dépit des projets que j’ai pu avoir, je n’ai jamais pu retravailler depuis que j’ai arrêté la boxe. Et par ailleurs je me suis endettée avec toutes les opérations, car tout n’est pas remboursé… «
Lorna décide donc d’interpeller la fédération sur son cas, et naturellement espère obtenir une aide, au regard du temps qu’elle a consacré à porter les couleurs de la France. La démarche est vaine. « J’ai envoyé des courriers pour des prises en charge, étant donné que mes blessures étaient liées à la boxe. Ils m’ont répondu que ce n’était pas possible, car il aurait fallu faire une déclaration d’accident. Or je ne pouvais le faire puisque cela s’est fait sur le temps et l’usure. La première fois que j’ai ressenti une douleur, je l’ai stipulé au médecin fédéral. Mais aucune déclaration n’a été faite. Mais tout le monde était au courant. De plus, on m’a retiré mon statut de sportive de haut niveau donc je n’ai pu avoir certaines aides. »
Et quand on lui demande ce qu’elle a ressenti, la boxeuse est sans tabou. « C’est un manque de gratitude par rapport à l’investissement que l’on fournit. On ne vous donne déjà rien, et en plus on vous prend votre santé et vous repartez sans aucune aide. On se sert de vous et on vous jette. Aujourd’hui je suis écœurée par la boxe, ou plutôt par le système en place. »
Cela fait maintenant deux ans, que Lorna a mis un terme à sa carrière. Après de nombreuses opérations chirurgicales, elle a enfin obtenu un statut d’handicapée, ce qui lui permettra d’obtenir quelques aides financières et professionnelles. Elle espère ainsi reconstruire une vie qui lui a échappé à l’heure, où la boxe féminine intégrait officiellement les JO. Aujourd’hui, si le cas Lorna Weaver est le plus grave recensé, il n’est cependant pas isolé. Plusieurs anciennes membres de l’équipe de France, atteintes d’autres traumatismes, se sont faites opérées récemment, ou envisagent de le faire.
